"Utiliser
la raison pour prouver la Loi, utiliser la sagesse pour expliquer clairement la
vraie image, utiliser la compassion pour que la Loi soit immensément répandue
et pour donner le salut aux gens de ce monde" (Rationalité)
New York Times: La Chine emprisonne abusivement les dissidents dans des hôpitaux psychiatriques.
Eric Eckholm
The Associated Press
En Chine, la répression du mouvement spirituel du Falun Gong attire de nouveau l'attention sur la détention abusive des dissidents dans les hôpitaux psychiatriques.
Dans sa campagne pour discréditer le Falun Gong, la presse officielle de Beijing a déclaré ouvertement que les adeptes sont des malades mentaux en besoin de traitement. Des centaines de pratiquants réfractaires sont hospitalisés de force et soumis aux traitements médicaux, selon les rapports du Falun Gong et des organisations pour les droits de la personne.
Un nouveau rapport vient de susciter l'inquiétude car il documente une abondance inattendue de cas de pratiques psychiatriques douteuses destinées à étouffer la dissidence politique.
"Ce qui nous étonne aujourd'hui, c'est l'augmentation marquée de nouveaux cas," dit Robin Munro, le chercheur britannique qui a rédigé ce rapport publié dans le Columbia Journal of Asian Law. Il attribue cette augmentation à la répression par le gouvernement du Falun Gong qui date de 18 mois, le gouvernement qualifie ce mouvement de [terme calomniateur employé par le gouvernement chinois].
Ce regain d'attention vis-à-vis des abus commis en Chine arrive au moment où le pays tente de dorer l'image de sa pratique des droits humains, dans l'espoir d'être choisi comme site des jeux olympiques de 2008. Toutefois, les porte-parole de l'administration Bush ont dit vendredi qu'ils allaient condamner la performance de la Chine, lors du forum annuel des Nations Unies, à Genève.
Hormis l'épouvantable décennie de la Révolution culturelle de Mao qui a pris fin en 1976, on n'a pas observé en Chine d'abus systématiques de la psychiatrie qui s'étaient produits en Union soviétique, où des centaines de dissidents furent frauduleusement diagnostiqués comme schizophrènes et enfermés. Les experts chinois et occidentaux ont complimenté les psychiatres chinois en général pour leur avancement scientifique dans des conditions difficiles.
Mais depuis la répression du Falun Gong, on s'inquiète de plus en plus au sujet de l'abus politique de la psychiatrie. À part le Falun Gong, des cas de dissidence politique comme celui de Cao Maobing, un travailleur dans une soierie d'état dans la province de Jingsu ont attiré l'attention internationale.
L'an dernier, les autorités ont pris M. Cao en grippe lorsqu'il a protesté contre la corruption tout en essayant d'organiser ses collègues pour former un syndicat. En décembre, un jour après avoir parlé de ses griefs aux journalistes étrangers, il a été enfermé par la police dans un hôpital psychiatrique et soumis de force aux médicaments et aux électrochocs, selon ses parents et amis qui insistent qu'il n'est pas fou, mais tout simplement un activiste déterminé. D'après le directeur de l'hôpital, un groupe de 17 experts aurait déclaré que M. Cao souffre d'une "psychose de forme paranoïde"
Même si l'on tient compte de tels cas, M. Munro dit que les statistiques officielles indiquaient, durant les années 1990, un déclin important de l'abus de l'incarcération psychiatrique pour des fins politiques, jusqu'au moment de l'interdiction du Falun Gong, il y a 18 mois.
À présent, selon lui, "la nouvelle répression du Falun Gong a fait déclencher un puissant cri d'alarme."
"Le modèle de pathologie mentale s'applique maintenant aussi aux dissidents en matière de religion," lance M. Munro. Il y voit un présage inquiétant au moment où la Chine entame une période d'évolution sociale accélérée.
Les chefs de file de la psychiatrie chinoise, avec l'appui de quelques experts occidentaux, nient énergiquement ces accusations en disant que les ferventes pratiques spirituelles du Falun Gong sont un cas à part.
Le rapport de M. Munro fait porter l'attention spécialement sur un système secret, géré par la police, de 20 centres de détention pour les cas de folie criminelle. Les critiques affirment que ces hôpitaux pourraient receler les pires instances d'abus politique, même si on ne les a pas utilisés en général pour enfermer les adeptes du Falun Gong.
Alarmés par les rapports au sujet du Falun Gong et par les preuves fournies dans l'article de M. Munro à l'effet que ces problèmes sont beaucoup plus répandus qu'on ne l'avait pensé, les groupes qui soutiennent les droits humains en matière de médecine ont lancé une campagne à l'échelle mondiale pour condamner les abus psychiatriques en Chine et pour insister que les hôpitaux suspects soient ouverts aux experts indépendants.
"Nous espérons que les pressions de l'extérieur mettront un terme à ce type de répression," dit Robert van Voren, secrétaire général de la "General Initiative on Psychiatry", un coalition de médecins européens et américains qui a attiré l'attention mondiale sur les méfaits soviétiques.
"Comme la Chine souhaite accueillir les jeux olympiques en 2008, je ne pense pas qu'ils veulent un nouveau scandale," a dit M. van Voren au cours d'une entrevue.
Le groupe a commencé une campagne de lobbying auprès des associations nationales de psychiatrie dans le monde entier pour condamner ou suspendre la Chine lors de la prochaine réunion annuelle de la "World Psychological Association"
Pourtant, de nombreux psychiatres chinois appuyés par quelques experts occidentaux insistent qu'il est faux de comparer cette situation avec celle de l'ancienne Union soviétique et que les abus politiques sont actuellement rares.
"Notre problème le plus grave n'est pas le fait que des gens normaux soient diagnostiqués comme étant malades mentaux, mais plutôt que les malades ne reçoivent pas l'évaluation et le traitement dont ils ont besoin," dit le Dr. Tian Zu'en, chef du département de la psychiatrie judiciaire de l'hôpital psychiatrique de Anding, géré par le Bureau de la santé de Beijing.
Selon le Dr. Tian, même s'il existe quelques instances au pays où des personnes ont été hospitalisées et certifiées par le système pénal sans l'évaluation scientifique requise, il ne faut pas "exagérer le problème outre mesure."
M. Munro, l'auteur du rapport, dit que le problème relève en fin de compte de causes autres que la psychiatrie, à savoir la répression de l'expression et de l'organisation politique indépendantes en Chine.
"Qu'ils soient malades mentaux ou non, ces gens ne commettent aucun délit criminel selon les normes internationales," dit-il. "Ceux qui souffrent de désordres mentaux devraient être traités dans un contexte médical plutôt que pénal."
M. Munro estime que depuis 1980, au moins 3000 personnes arrêtées pour toutes sortes de "crimes" politiques ont été soumises à l'évaluation psychiatrique, et beaucoup d'entre elles ont été considérées comme des cas de maladie mentale et enfermées plus ou moins longtemps.
"Nous ne savons pas combien de ces gens souffraient vraiment de maladies mentales," dit M. Munro. "Nous savons bien, néanmoins, que le seuil officiellement appliqué pour douter de la santé mentale de ces individus est extrêmement bas."
L'étude des documents officiels, selon M. Munro, démontre que certains types particuliers de "criminel politique" sont les plus susceptibles d'être renvoyés en psychiatrie. Il s'agit, entre autres, de ceux qui persistent à faire circuler des pétitions, ceux qui entonnent ou affichent des slogans anticommunistes et ceux qui, dans l'estimation des policiers, font preuve "d'une absence étonnante de l'instinct normal d'auto-préservation" face à leur arrestation inévitable.
M. Munro cite des textes chinois pour démontrer que des concepts tels que la "manie politique" ou la "manie litigieuse" s'emploient ici depuis une décennie. Suivant de tels principes, dit-il, certaines personnes extrêmement motivées ou qui agissent de manière excentrique peuvent être faussement diagnostiquées comme des cas de psychose.
Dans les sociétés occidentales, dit-il, beaucoup de ces individus pourraient être considérés comme souffrant d'une névrose ou d'un désordre de la personnalité, sans pour autant les faire enfermer de force.
Un exemple souvent cité par les groupes qui soutiennent les droits humains est celui de Wang Wanxing, un travailleur politiquement indépendant à Beijing que l'on a diagnostiqué comme un cas de "psychose de forme paranoïde" après son arrestation en 1992 pour avoir déferlé un étendard pro-démocratique Place Tienanmen. Il a passé les sept années suivantes dans un hôpital policier pour les cas de folie criminelle.
Au début de 1999, on l'a congédié et ses proches l'ont jugé parfaitement lucide. Mais plus tard au cours de la même année il a annoncé son intention de tenir une conférence de presse pour dénoncer le traitement qu'il avait subi, et on l'a reconduit au centre où il demeure encore à présent.
Pour répondre aux enquêteurs des Nations-unies, les autorités chinoises ont dit que l'évaluation de son cas par les médecins à l'hôpital "avait déterminé qu'il souffrait de paranoïa, que certains de ses actes étaient motivés par des idéaux irréels, qu'il avait perdu ses facultés cognitives normales et qu'il était irresponsable."
Le Dr. Yu Qingbao, chef adjoint en psychiatrie judiciaire de l'hôpital Anding a déclaré que les psychiatres chinois, y compris ceux qui travaillent dans les centres gérés par la police, établissent leurs diagnostics selon des critères conformes à ceux employés en occident.
Les docteurs Yu et Tian soutiennent tous les deux que dans la plupart des cas, il n'est pas difficile de faire la distinction entre un dissident politique engagé qui est sain d'esprit et un individu perdu dans ses illusions. "Si l'on nous envoie de vrais dissidents et si nous les diagnostiquons faussement comme malades, on peut nous accuser de les protéger," dit le Dr. Yu.
De même, selon le Dr. Tian, il est presque toujours facile de distinguer entre un croyant religieux dans un état second ou hypnotique et qui n'est pas vraiment malade, et un individu dont l'ego est détruit. "Les psychiatres du monde entier sont d'accord sur ce point," dit-il.
Selon lui, les cas les plus difficiles à distinguer sont ceux où l'individu, pendant les phases initiales d'une psychose, commence à adhérer à une secte religieuse. Ceci est un phénomène assez commun qui exige une observation plus prolongée."
Un autre psychiatre chinois a dit que les abus se produisaient le plus souvent à l'extérieur des grandes villes où il y a moins de médecins convenablement formés et où la police peut les contrôler davantage.
Comme plusieurs experts chinois, ce médecin demande pourquoi les autorités auraient besoin du moindre recours à la certification psychiatrique. "Ils ont des camps de travail partout, et ils ont montré qu'ils n'ont pas peur de s'en servir," dit le docteur. "À quoi bon se donner tant de mal et dépenser tant d'argent pour les faire enfermer en psychiatrie?"
Un célèbre expert occidental en psychiatrie chinoise, le Dr. Arthur Kleinmann de l'université Harvard, dit que les abus "se produisent surtout dans les hôpitaux mentaux gérés par la police."
"Il est important d'envoyer des observateurs experts dans ces secteurs," dit-il. "Mais je crains qu'une chasse aux sorcières à l'échelle mondiale ne ternisse injustement l'image de toute la profession."
L'original en Anglais
Traduction en Chinois