Le Journal Wall Street: Beijing prend le contrôle complet sur Hong Kong

Par  Martin Lee

Le 27 septembre 2002

(Vraiesagesse.net) Fini la lune de miel! La patience de Beijing s'épuise. Le cadre supérieur de Hong Kong récemment re-désigné, Tung Chee Hwa, est sur le point d'instaurer les mécanismes légaux nécessaires pour permettre à Beijing de supprimer la presse libre et les groupes dissidents à Hong Kong.

Après plusieurs mois de  planification soigneuse, un document de consultation intitulé, "Propositions pour l'application de l'article 23 de la Loi Fondamentale" (mini-constitution de Hong Kong) a été émit cette semaine par le cadre supérieur.

L'article 23 est la disposition la plus controversée de la Loi Fondamentale promulguée par le Congrès National du Peuple à Beijing le 4 avril 1990. Ceci est exactement 10 mois après le massacre de Tienanmen du 4 juin 1989, une prise de mesures sévères sanglante de ce qui était un mouvement pacifique d'étudiants, en faveur de la démocratie et d’un  gouvernement honnête en Chine continentale, et qui a obtenu l'appui de la population presque entière de Hong Kong.

L'arrivée dans le temps du passage de la Loi Fondamentale était malencontreuse, parce qu'elle est apparue à un moment où les chefs de Beijing n'étaient même pas certains de leur propre capacité de rester au pouvoir. Ainsi le contrôle était le mot clé de l’heure, incluant les affaires de Hong Kong. L'article 23 exige donc à la Région d'Administration Spéciale de Hong Kong de décréter des lois pour interdire la trahison, la sécession, la sédition, la subversion envers le Gouvernement Central du Peuple, le vol de secrets d'état et interdire aux groupes politiques locaux d'avoir tout lien avec des corps politiques étrangers.
 
Cet article offre la possibilité claire et nette de permettre à Beijing d'exercer le contrôle absolu sur les  médias de masse aussi bien que sur tous les groupes dissidents à Hong Kong. Et la crainte d'être poursuivi en justice est susceptible de causer davantage de retenue de la part des médias de masse locaux.

Plus de cinq ans se sont maintenant écoulés depuis le transfert politique du 1er  juillet 1997, et Hong Kong a été extrêmement stable politiquement sans avoir de telles lois. Mais Beijing veut toujours plus de contrôle. Il y a deux mois, Qian Qichen, le vice-premier ministre chinois responsable des affaires de Hong Kong, a indiqué publiquement que l'article 23 devrait être mis en application maintenant.

En effet, toutes les indications proposent que le gouvernement de Hong Kong est en contact étroit avec Beijing et a déjà conclu une entente concernant le contenu et la planification dans le temps pour la législation proposée. Ceci pour s'assurer que ce qui est décrété à Hong Kong n’est pas contradictoire avec les lois en Chine continentale, quoique, en vertu de la politique de "Un pays, deux systèmes" et de la Loi Fondamentale, Hong Kong devrait être laissé "seul, à sa guise " pour légiférer ces conditions. Beijing n’est pas censé avoir un pouvoir de veto sur les lois décrétées par le Conseil Législatif, qui est la législature de Hong Kong.

Ainsi la période de consultation de trois mois n’est qu’un exercice en relations publiques pour gagner l'appui du public, afin de clore tout souci qui pourrait être exprimé à Hong Kong et à l'étranger. Mais le public ne connaîtra jamais la vérité entière. Au lieu de cela, toutes les propositions sont entrelacées dans de larges principes et ce sans détails.

Qui peut s'opposer à une loi sur la trahison à laquelle on applique une sanction d'emprisonnement à  vie (car il n’y a aucune punition capitale à Hong Kong) à quiconque pourrait allier ses forces avec une puissance étrangère ayant comme but  la guerre contre la République Populaire de Chine et de renverser son gouvernement?

Par le fait même, il y a une proposition qui donne des pouvoirs additionnels à la police. Ceci permettra à la police,  par la décision d'un directeur, de fouiller le domicile ou l’endroit de travail sans mandat de recherche en ce qui concerne la plupart des offenses de l'article 23, s'il pense raisonnablement que la recherche sur une telle offense serait sérieusement compromise sans fouille immédiate.

Le diable se trouve dans les détails. Mais pour que le gouvernement de Hong Kong gagne l'appui public, il ne faut pas que le diable soit exposé pendant cette période de consultation. Et, de toute façon on ne peut penser que le public pourrait lire le document en entier, surtout dans un climat économique sombre à Hong Kong où les gens sont davantage inquiétés par la perte possible de leurs emplois et/ou réductions de salaire.

Mais une lecture soigneuse entre les lignes indique un nombre important de bombes à retardement. Voici deux exemples flagrants :

 [...]. Les pratiquants du  Falun Gong à Hong Kong sont présentement tolérés par le gouvernement de Hong Kong, quoique quelques pratiquants locaux et de l’étranger ont été arrêtés récemment et poursuivis en cour. Et M.Tung, protégé par le privilège durant une session récente du Conseil Législatif, a diffamé le Falun Gong par [mot diffamatoire omis].

Sous les propositions actuelles, si Beijing décide et déclare que le Falun Gong "met en danger la sécurité nationale" en Chine continentale et que le Falun Gong de Hong Kong est une filiale du groupe de la Chine Continentale, le gouvernement de Hong Kong devra agir contre les pratiquants du Falun Gong  à Hong Kong. En d'autres termes, l'initiative demeure celle de Beijing.

Et pour ce qui est de la presse, prenons un exemple hypothétique d'un journal qui éditerait un article déclarant qu'un emplacement commercial important dans la zone centrale de Hong Kong actuellement occupée par l'Armée de la Libération du Peuple serait bientôt libéré pour le gouvernement de Hong Kong de sorte qu'il puisse construire de plus grands bureaux et un complexe commercial. Si une telle information venait d'une source non autorisée, alors le journal et le journaliste qui a écrit l'article commettrait une offense criminelle sous la nouvelle loi, qui cherche à protéger "l'information concernant la relation entre les autorités centrales de la RPC et du HKSAR," et les deux seraient passibles d’emprisonnement pour une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans.

Les présents scénarios devraient faire frémir tout pays ou territoire sous la Règle de la Loi. Bien des gens hors le Hong Kong se demanderont certainement pourquoi M. Tung et son gouvernement feront ceci à Hong Kong. La réponse est simple : Beijing le veut!
 
M. Tung n’aurait jamais reçu un deuxième mandat le 1er juillet si ce n'était du soutien qu'il a eu des 3 leaders en tête à Beijing. Avec l'établissement récent d'un prétendu système de comptes-rendus où tous les hauts fonctionnaires doivent rendre des comptes à M. Tung, qui n’est seulement redevable qu’envers Beijing, le gouvernement de Hong Kong fera tout ce qui lui est demandé par ses maîtres à Beijing.

Et en ce qui concerne la législature non-démocratiquement constituée, seulement 20 législateurs sur un total de 60 membres voteront contre les propositions du gouvernement, et la majorité de 40 les soutiendront peu n'importe leur perversité. De plus, il n’y aura plus aucune possibilité à tout jamais d’avoir une législature entièrement démocratiquement élue à Hong Kong à moins que Beijing le dicte, ce qui n’aura lieu que si les leaders de Beijing sont confiants que les partis politiques pro-Beijing gagneront les élections sur la base d’une seule personne, un seul vote.

La  seule solution qui reste serait une ordonnance judiciaire indépendante -- mais que peut faire le juge le plus indépendant pour protéger les droits de l'homme si la loi donne en fait ces pouvoirs  au gouvernement? Avec l’adoption de ces lois en vertu de l'article 23 de la Loi Fondamentale, le contrôle de Hong Kong par Beijing sera complet.

 M. Lee est le  Président du parti démocratique, un législateur démocratiquement élu et un ancien membre du Comité de rédaction de loi fondamentale.